Il y a de beaux côtés aux réseaux sociaux, hormis leur côté un peu trop addictif limite abrutissants parfois, ils restent de formidables sources d’inspirations. J’ai découvert Lucie sur Instagram suite à de réguliers échanges sur mon compte (que je vous invite à suivre bien sûr si ce n’est pas encore le cas 🙂 ). C’est elle qui m’a parlé la première de freeganisme, mouvement qu’elle pratique depuis quelques temps maintenant. J’ai eu très envie qu’elle nous partage son expérience sur cette pratique trop peu connue et qui selon nous mérite un vrai coup de projecteur. C’est avec générosité à l’occasion d’une interview à laquelle Lucie a gentiment accepté de se prêter que vous découvrirez tout sur le freeganisme, occasion de faire le point sur le gaspillage alimentaire dans notre société actuelle.

freeganisme contre le gachis alimentaire

Réduire le gaspillage alimentaire, un enjeu écologique majeur

Tout d’abord qu’appelle t’on gaspillage alimentaire ? Le Pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire le définit comme suit :

 « Toute nourriture destinée à la consommation humaine qui, à un endroit de la chaîne alimentaire est perdue, jetée, dégradée, constitue le gaspillage alimentaire »

Ce gaspillage est un véritable drame éthique et social. Selon d’Ademe, 10% de la population n’aurait pas de quoi se nourrir à sa faim ! La crise environnementale ne cessant de croître, la nourriture pourrait venir à manquer d’ici quelques années au niveau mondial si on n’apprend pas à consommer autrement, plus éthique, à jeter moins, à consommer plus végétal et moins animal, bref si on continue à consommer n’importe comment comme c’est encore le cas à ce jour (même si des efforts semblent émerger ici et là).

Écologiquement le gachi alimentaire est également une hérésie car on a produit et utilisé des ressources naturelles, qui ont ensuite été transformées, emballées, transportées pour finalement finir à la poubelle. Cela a également généré des gaz à effet de serre de façon colossale sans compter toute l’eau qui a été gaspillée à son tour.

Selon l’Ademe toujours, rien qu’en France, le gaspillage de nourriture consommable représenterait près de 10 millions de tonnes, soit l’équivalent de 150 kg/hab./an. Dans les ordures ménagères et assimilées, on trouve l’équivalent de 20 kg/hab./an de déchets alimentaires, dont 7 kg de produits alimentaires encore emballés !!

A contre-courant de tout ce gâchis justement, il y a ce mouvement freegan, né dans les années 90 aux Etats-Unis qui combine anti-gaspi en se nourrissant gratuitement (vous verrez comment plus bas) au végéta*isme. J’ai voulu en savoir plus grâce à Lucie (que vous pouvez retrouver sur instagram @luciecrr) qui m’a fait le plaisir de bien vouloir nous livrer son témoignage en jouant les reporters avec photos à l’appui. Donc nous vous proposons une excursion au cœur des poubelles des magasins bio (pertes alimentaires qu’on peut retrouver à plus grande échelle dans les supermarchés vous imaginez bien), vous allez voir c’est juste hallucinant !

Interview de Lucie, adepte du freeganisme

Julie freegane depuis 2019
Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Lucie. J’ai 29 ans et je vis en banlieue parisienne (Val de Marne). Je suis issue d’une famille bourguignonne de classe moyenne. Je travaille dans l’hôtellerie.
J’ai été végétarienne pendant 2 ans et cela fait 2 ans que je suis végan et que je mange 100% végétal (régime végétalien). Je suis vegan par conviction pour la protection des animaux mais aussi de notre planète car pour moi tout est lié.

 

Je suis membre active de la SurfRider Foundation Paris et OneVoice Animal.

 

Enfin, je suis freegane.

Peux-tu nous expliquer ce qu’est le freeganisme ?
Le freeganisme désigne un mode de vie alternatif dont le but est de limiter sa participation dans le système économique ou la société de consommation actuelle. Cela consiste majoritairement à récupérer des aliments encore consommables dans les poubelles des magasins de grande distribution et des restaurants/boulangeries/pâtisseries. Le freeganisme c’est un tout dont le but principal est de mettre en avant l’absurdité de l’ampleur du gaspillage alimentaire et de la surconsommation actuelle.

 

Quelles sont les raisons qui t’ont poussées à le pratiquer ?

A la suite de problèmes de santé. J’ai dû arrêter de travailler. Le salaire n’a donc pas suivi et les problèmes financiers ont commencé. Etant très écolo, je me suis renseignée sur un moyen d’économiser de l’argent sur mes achats alimentaires et de réduire mon impact écologique en limitant le gaspillage alimentaire. J’ai donc fouiné un peu partout et j’ai découvert le freeganisme.

Grâce au compte Instagram @Le.Renard.Et.Les.Raisins, j’ai pu tester le freeganisme dans ma ville. Elle m’a donné tous les tuyaux nécessaires pour débuter. J’ai testé et je n’ai plus arrêté. Et je dois dire que depuis plusieurs mois, je n’ai pas dépensé un seul centime d’euros en denrées alimentaires.

 

Depuis quand tu pratiques le freeganisme et à quel rythme ?
Je pratique le freeganisme depuis le mois de Décembre 2019 lorsque j’étais vraiment en grosses difficultés financières, en moyenne 2 à 3 fois par semaine. Tout dépend de ce que je vais trouver dans les poubelles. Le freeganisme c’est aussi un jeu de loterie. Je peux être gagnante et avoir des « saisies jackpot » et d’autres fois je ne trouve absolument rien.

 

Peux-tu nous expliquer comment tu t’organises ?
Lorsque mon frigo est vide ou que j’ai besoin de quelque chose pour cuisiner, je fais comme tout le monde. Je prends mon sac de courses, mes sacs vrac, une paire de gants et des vêtements qui ne craignent rien. Je fais les poubelles donc ça ne reste pas très propre. Donc je prends aussi du vinaigre blanc dans une bouteille en verre pour me désinfecter les mains à la fin d’une session de freeganisme. Généralement, je pars me « poster » devant le magasin environ 30/40 minutes avant la fermeture. J’attends que les employés sortent les poubelles puis je la récupère et je la vide.
Avec les autres freegan, nous disposons une bâche au sol pour pouvoir tout étaler et laisser un endroit absolument nickel quand nous repartons. Nous remettons proprement tout ce qui n’est pas consommable dans les sacs poubelle. Rien ne doit montrer que nous sommes passés et vidés les poubelles par respect pour tout le monde et également pour que les magasins continuent de sortir leurs poubelles.
freeganisme contre le gachis alimentaire
freeganisme contre le gachis alimentaire
freeganisme contre le gachis alimentaire
Quels types de produits trouves-tu et dans quel état ?
Je trouve énormément de pain. Parfois plusieurs sacs par semaine. Je trouve aussi beaucoup de produits frais et toujours des légumes et des fruits. Je trouve parfois des céréales (pâtes, riz, boulgour), du tofu, du seitan, des pains germés de Gaia, des yaourts végétaux, du tartare d’algues, des galettes de soja, des salades composées. Je suis heureuse quand je trouve des hummus, de la panisse ou des fromages végétaux. Je trouve vraiment de quoi me nourrir au quotidien.
Il est très rare de trouver des produits secs mais je suis déjà tombée sur des granolas, des mueslis, des mélanges de noix, du chocolat, des épices, des vitamines.
Il m’est arrivé de trouver des plantes aussi (basilic, menthe et persil).

 

La date de péremption est-elle souvent dépassée ?
Généralement, elle est passée du jour même ou deux ou trois jours. Mais les yaourts au soja par exemple se conservent très bien au frais donc je peux les garder plusieurs mois sans craintes. De même pour les tartares d’algues, les produits comme les tofus ou autres substituts carnés.
Mais le fait que les magasins jettent est aussi lié au consommateur. Il arrive que je trouve des produits pas du tout périmés mais uniquement avec un emballage abimé donc invendable car « pas beau ». J’ai trouvé comme cela de la crème de soja, des laits végétaux, du seitan, des yaourts et desserts végétaux. C’est quotidien.

Quels sont tes spots préférés et où trouves-tu le plus de produits ?
Malgré le fait que je souhaite faire des économies, je privilégie la qualité. Je fais donc du freeganisme chez Naturalia, Bio C Bon, La Vie Claire, La Vie Saine. Je le fais aussi dans les boulangeries. Je trouve tous mes aliments 100% végétaux dans ces enseignes.
Parfois, je cible les supermarchés comme Monoprix (j’ai trouvé du Beyond Meat chez Monoprix une fois. J’étais aux anges quand on connait le tarif de ce produit), Leclerc ou Carrefour qui sont des mines d’or. La quantité de denrées alimentaires jetées quotidiennement sont effarantes. Vous pouvez y aller tous les jours et vous trouverez toujours de quoi vous faire plaisir.
freeganisme contre le gachis alimentaire
Quelles sont les difficultés que tu rencontres en faisant du freeganisme ?
Le freeganisme, ce n’est pas tout rose effectivement.
Il arrive que je ne trouve rien et que je doive vivre sur mes réserves. Ce que je ne trouve pas, alors je ne l’achète pas (flocons d’avoine, farines) où seulement en vrac dans des épiceries indépendantes (je boycotte les magasins « Bio » de chaine comme Naturalia, Bio C’Bon) où directement chez des producteurs locaux via La Ruche qui Dit Oui, les AMRAP, chez le maraicher local, au moulin… Je trouve toujours des alternatives 0 déchets, françaises, bio et locales.
La seconde difficulté après le fait de ne rien trouver : le froid et la pluie. Attendre dehors en été au soleil ça peut être sympa mais en hiver quand il pleut et qu’il fait froid, ce n’est pas drôle. Il faut bien se vêtir et prendre son mal en patience.
Le regard des gens / les  » à priori ». Sachez que dès que la poubelle est dans la rue alors, il est légal de se servir. Tout ce qui est sur la voie publique est à tout le monde, même les poubelles. Mais le regard des gens peut être dur, leur jugement cruel. Mais passer au-dessus de cela et les sessions de freeganisme deviennent plus agréables.

 

Quelles sont les avantages que tu rencontres en faisant du freeganisme ? 
Le premier avantage est clairement financier. Je n’ai pas dépensé un centime d’euros depuis le 2 Décembre 2019. Pas un seul centime. J’ai toujours trouvé au « bon moment » ce dont j’avais besoin. Comme si j’avais une bonne étoile du freeganisme.

Le second avantage : le partage. J’ai rencontré de belles personnes qui effectuent du freeganisme aussi. Certaines dans le besoin, d’autres non. Mais quand nous faisons nos cessions, nous partageons. Nous discutons, nous parlons de nos vies, nous refaisons le monde et bien entendu, nous partageons nos prises de freeganisme.
Si une personne veut quelque chose et que nous n’en avons pas forcément besoin, alors nous passons notre tour pour cette fois (généralement ils me laissent les aliments végétaux et je leur laisse bien entendu la viande et les produits laitiers).
Lorsque nous trouvons des denrées que nous pensons bien pour les autres et qu’ils ne sont pas là, nous les récupérons et leurs donnons quand nous nous retrouvons sur un lieu de freeganisme.

Le troisième avantage : l’aide.
Lorsque je prends plus de denrées que ce dont j’ai besoin, alors je donne sur l’application Geev (code parrainage de Lucie : N9WXK). Je donne aussi aux SDF dans ma ville.

Le quatrième avantage : réduire le gaspillage alimentaire.
Je publie souvent mes prises sur Instagram pour dénoncer la surconsommation et le gaspillage. Je suis fière de dire que je participe, même à ma toute petite échelle, à la réduction du gaspillage alimentaire.

Souhaites-tu ajouter quelque chose ?
Pour tous ceux qui hésitent je tiens à dire ceci : ce n’est pas une honte de faire les poubelles (une médecin le fait avec moi). N’ayez pas peur de vous salir pour votre porte-monnaie et la planète. Ils vous remercieront de même que votre banquier. Et je serai fière de vous d’avoir franchi le pas.

N’oubliez pas que si vous le faites et que des personnes dans le besoin sont à vos côtés, ce sont eux qui ont la priorité. Laissez toujours l’endroit nickel après votre départ.

Et surtout, n’hésitez pas à faire circuler le message contre le gaspillage alimentaire via les réseaux sociaux (prenez en photos vos prises et partagez un maximum). Les magasins doivent prendre des directives efficaces contre toute cette catastrophe écologique et humaine.

Peut-être aurez-vous des représailles des magasins alimentaires quand vous dénoncerez leur gaspillage mais soyez fières de vous et de vos actions.
Je serai fière de vous !

Ce qu’il faut retenir :

Des initiatives comme les applications Too Good To Go ou Geev voient le jour et permettent de limiter le gaspillage mais on en est encore loin. La lutte contre tout ce gâchis de nourriture doit vraiment devenir un combat pour chacun d’entre nous. Il s’agit de simples gestes à mettre en place pour limiter le gaspillage comme :

  • ne pas surstocker son frigo au risque d’en perdre une partie ne pouvant tout consommer à temps (même si il existe de la marge avec les dates de péremption). 
  • Ranger son frigo en mettant les denrées périssables avec la date la plus courte accessibles pour les consommer en priorité
  • Faire ses menus à la semaine et n’acheter que le nécessaire (en frais)
  • Acheter les aliments étiquetés DLC courtes (souvent en promotion) pour éviter qu’ils ne se retrouvent jetés.
  • Demander aux magasins s’ils ont des fruits et légumes qu’ils comptent jeter car abîmés et non “commercialisables” 
  • Pratiquer le freeganisme 

A vous : Que pensez-vous de tout cela ? Ou en êtes vous avec le gaspillage alimentaire ? Êtes-vous sensibilisés à cela et vous faites attention, quelles sont vos astuces pour minimiser le gâchi ou ne vous sentez-vous pas vraiment concernés ? Avez-vous déjà pratiqué le freeganisme ou y avez-vous déjà songé ? Mieux, maintenant y songez-vous ??

 
 
 
 

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